Depuis l’Est de Londres, Nuha Ruby Ra chante avec ses tripes une musique viscérale, crue et violente. L’artiste qui a fréquenté les écoles d’art et les scènes underground de la capitale anglaise décrit son premier EP How To Move comme une nécessité. Selon elle, les quatre chansons et trois interludes qui composent cet EP intense n’ont d’autre but que de sauver leur créatrice d’une période sombre et déprimante de sa vie. Des morceaux comme Cruel ou Erase Me dévoilent en effet un réel mal-être, qui nourrit un art à la charge émotionnelle débordante. Le premier, chaotique et explosif, ressemble à une dépression nerveuse sonore quand le deuxième, plus subtil avec sa guitare tropicale, évoque l’art d’effacer complètement son être. 

Amatrice d’expérimentations intuitives, Nuha Ruby Ra a donc fait de son premier EP une œuvre sauvage, par moments brute. Ses influences sont multiples : elle s’imprègne des sons de The Birthday Party, Einstürzende Neubauten et Björk, entre autres. Librement, elle rajoute à ce drôle de mélange de légères influences égyptiennes, héritage familial qui magnifie certains passages tels que Intro ou At The Canyon’s Edge (Interlude). Dans son ensemble, How To Move bénéficie d’une énergie noire et chaotique pas toujours facile d’accès. En témoigne Run Run, incantation presque gothique de sept minutes, menée par des guitares perçantes et la voix possédée de la chanteuse, qui narre ici son long voyage vers la sérénité. 

Le seul morceau au réel potentiel commercial reste le single Sparky, de loin le plus accessible ici. Loin d’être une anecdote, Sparky est aussi la seule composition à ne pas naître de la dépression. Moitié Siouxsie, moitié Baxter Dury, Nuha Ruby Ra s’amuse sur cette chanson créée avant tout pour le fun. Comme le succès vient le plus souvent de la simplicité, il n’est d’ailleurs pas étonnant de voir que Sparky, avec ses boîtes à rythme et ses synthés 80’s, est sa chanson la plus écoutée à ce jour. Plantée au milieu de l’EP, elle arrive comme un bol d’air frais au sein d’une œuvre plus sombre.  

Avec How To Move, Nuha Ruby Ra exorcise ses démons et profite des bienfaits thérapeutiques de la création. Elle livre ainsi un premier projet étrangement intimiste. Si intimiste, que l’œuvre sert plus à l’artiste qu’au public : Nuha Ruby Ra s’est soignée avec How To Move et est désormais prête à aller de l’avant. En effet, son premier album, qu’elle enregistre en ce moment même, ne ressemble apparemment en rien à cet EP. Prouvant l’adage « Pour savoir où l’on va, il faut savoir où l’on est », How To Move est le témoin de la construction d’une artiste.