L’ambient a trouvé son nouveau prince : pas encore 23 ans et irlandais d’origine, Jack Colleron aka MMOTHS crée une musique spatiale, apaisante mais recherchée. Déniché en 2012 grâce à une démo soundcloud, le label indé SQE Music le signe et l’embarque à Los Angeles. Quatre ans plus tard, l’irlandais passé californien est désormais chez Because et nous lâche enfin un album, Luneworks.
Assez révélatrice de la quinzaine de titres à suivre, la track d’ouverture You nous embarque dans une ambiance atmosphérique, peuplée de sons métalliques et accompagnée de voix murmurées, jamais faciles ni accrocheuses – parfois même à peine déchiffrables. Outre le profil anglo-saxon longiligne, MMOTHS rappelle un peu King Krule dans cette manière de considérer la voix comme un accompagnateur du son plutôt qu’un faire valoir.
Pas si calme qu’on pourrait le croire, l’écoute de Luneworks peut se faire intrusive : sur les guitares de Body Studies, les claps de Deu ou dans l’upbeat glitchy de 1709.. Comme on l’évoquait récemment, l’ambient ne revêt pas nécessairement les attributs d’une musique lounge ou d’ascenseur. Et si selon ses propres dires, Jack cherche à capturer “le calme d’une ville à la nuit tombée”, la partition finale relève plus de l’insomnie que de la berceuse.
Sur ce premier projet abouti de l’irlandais, on décèle ça et là des influences R&B (Eva), dont l’impact reste cependant trop minime pour pouvoir étendre la comparaison à la mafia Chet Faker/Deptford Goth. Car ce qui prime ici, c’est plutôt la friction expérimentale d’un son métallique confronté à la structure d’une chanson classique. On sent le coeur du lad plutôt pencher du côté du premier, avant d’être ramené à la (dé)raison d’un formatage obligatoire. C’est là la petite déception de Luneworks : ne pas porter son projet jusqu’au bout, et garder cette intention analogique entre les carcans d’une musique bankable. Exemple flagrant : la montée finale de Naoko Pt.2, au potentiel de climax salvateur, gagnerait à ne pas s’embarrasser des touches de piano qui gonflent la partition sans pour autant la rendre meilleure.
L’influence des grands du genre (dont celle reconnaissable entre mille de Boards of Canada) amène toutefois le disque vers une complexité invisible : celle de morceaux à la fausse simplicité, dont il faut savoir déceler la finesse, apprendre à lire l’architecture. Et si mettre un pieds dans l’eau glacée pour en tester la température est une sans doute moins bonne technique que s’y jeter de plein corps, on attribuera la frilosité un peu lâche de Jack à une jeunesse n’ayant pas encore quitter ses brassards. Prochaine étape, sortir du petit bain ?