On s’est fait alpaguer par la sortie de “Kong” le nouveau clip / morceau de Neneh Cherry, produit par Four Tet et 3D de Massive Attack, et réalisé par Jenn Nkiru. Ce morceau est d’une beauté revendicatrice et il ne faut surtout pas passer à côté de son clip. On y voit en premier plan Neneh Cherry nue avec des taches blanches, comme pour évoquer les cicatrices de l’oppression des blancs sur les noirs, les marques indélébiles laissées par l’histoire. La revendication ethnique est évidente dans ce clip, les paroles sont une critique ouverte à la crise migratoire en Europe :

“Every nation seeks it’s friends in France & Italy / And all across the seven seas / And goddam guns and guts and bitter love still put a hole in me”

Le vêtement comme symbolique

Quand on a su que Jenn était assistante de direction pour le fabuleux Apeshit de Jay-Z et Beyoncé, on a compris. Des plans tout aussi séquencés, théâtralisés, des oppositions de couleurs fortes, souvent noir et blanc. Un mouvement des corps au naturel, où l’habit n’est qu’un voile, une protection presque angélique des formes humaines. On peut aisément comparer le plan des escaliers avec les deux rangs de danseuses en body dégradés au Louvre avec le plan de Neneh Cherry en robe de nuit transparente et fluide.

Dans les deux clips, le vêtement est toujours soigné et luxurieux, c’est un outil pour passer des messages, que ce soit dans ses couleurs symboliques ou dans sa personnification. Ainsi les tenues de monarques de  Jay-Z et Beyoncé montrent la réussite du couple afro-américain ; la jupe batik dans le terrain vague montre la détresse des immigrés d’origine africaine. La réalisatrice Jenn Nkiru soigne chaque détail avec des références fortes de l’identité noire. On peut aussi voir sa maîtrise de la haute couture et de la mouvance des corps avec les vêtements dans son court-métrage En vogue réalisé il y quatre ans.

Pointer du doigt les discriminations raciales

Dans Apeshit, Jenn et l’équipe de direction font un gros focus sur la position des hommes noires dans les tableaux du Louvre : on les retrouve en arrière-plan, dans l’ombre, tenant une corde, versant de sang du Christ.. Le constat est plutôt consternant. Le dernier plan pour conclure le clip montre une femme noire au bandeau blanc au premier plan d’un tableau, comme une ouverture à l’intégration de la communauté.

Il semblerait que toute image que touche Jenn Nkiru se transforme en oeuvre d’art. Mis en image, son engagement pour les revendications de la communauté noire aux Etats-Unis et en Angleterre est à la fois subtil et évident. Elle mêle son histoire à celle du monde contemporain, utilise des artistes clés pour faire passer son message.