Echappé de Salut C’est Cool, James Darle nous dévoile un premier album solo où les mélodies acid-trance de sa TB-303 s’étirent dans une spirale décomplexée et hypnotique.

Après sept ans passés à bidouiller un mélange eurodance-hardcore totalement imprévisible et inédit en France, suscitant aussi bien le mépris et l’incompréhension que la fascination au sein du public et de la critique, la machine Salut C’est Cool est devenue incontournable, enchaînant les lives et les festivals avec une cadence folle. S’ils ont débuté en 2011, les quatre garçons derrière cette entité artistique non-identifiée seront révélés en 2015, avec leur signature chez Barclay et la parution d’un 1er album officiel (après 4 albums autoproduits et diffusés sans label sur internet). De nos jours, ils rassemblent des milliers d’individus en live, à la recherche de la jouissance pure. S’il n’est pas rare de croiser les mots « kitsch » ou « second degré » dans les articles à propos de Salut C’est Cool, le groupe continu de casser avec amusement les codes du bon goût. Ils cultivent inlassablement une « techno-variété » (selon leurs mots) qui pioche de temps à autre dans le gabber aussi bien que dans l’électro-punk ou la pop, avec cette éternelle jovialité et ce vernis de naïveté.

Figure la plus connue du groupe, ancien élève d’HEC avant d’écrire des sketchs au sein du collectif « 10 minutes à perdre », fan de tance goa et de Jean-Luc Le Ténia, James Darle s’accorde aujourd’hui une petite infidélité. Au détour d’une conversation avec ses amis et fondateurs du label Johnkôôl Records, il décide de sortir avec eux un projet qu’il a composé en deux semaines, lors de ses vacances à Majorque, dans la maison de sa tante. Six pistes où il laisse libre cours à ses influences les plus personnelles, profitant d’une pause dans les tournées effrénées de Salut C’est Cool.

Armé de son PC et d’une TB-303, il va donner vie à « La Vida Es Une Paella », titre alambiqué comme à son habitude, pour un projet cette fois-ci purement instrumental, où l’on croise tour à tour son amour de Recondite et d’Aphex Twin. Premier single paru sur internet, « Azafran », ballade techno-mystique aux sonorités 90’s totalement addictives, est un tube avec ses kicks entêtants et ses nappes mystico-jouissives. Mais dès l’ouverture avec « Tiempo », les sons analogiques s’entrechoquent dans une osmose enivrante. « Placer » coupe définitivement le lien de parenté avec le son de Salut C’est Cool et le rapproche clairement des productions du label Rephlex, avec une techno vrombissante en clair-obscur, teintée d’une légère mélancolie. Une touche recroisée sur « Degustacion », avant de s’enfoncer dans un délire analogique dans la pure tradition d’Aphex Twin sur « Cuerpos Y Patas ». Le voyage se termine avec « Adios », où il nous annonce que « ce n’est pas la fin de la fête » et nous dit au revoir, renouant là avec les schémas de Salut C’est Cool, en toute légèreté.

Pour résumer, ce disque est une recherche musicale assez personnelle pour James Darle, un voyage au sein de son imaginaire, se frottant aux idées mélodiques du moment, certaines étant connues et d’autres nous entraînant sur des chemins encore inédits de sa discographie. Il délaisse ici le format pop de Salut C’est Cool et ses fameux couplets-refrains barges, préférant étirer et faire boucler des instrumentaux dans lesquels il se montre même capable d’ajouter une couche de spleen, offrant de la nuance à un univers dont on craint parfois la saturation ou la caricature.

Travaillant sur un album avec un membre du groupe Le Colisée – qui aura vraisemblablement des nuances jazzy, James Darle va aussi sortir un disque d’opéra avec Salut C’est Cool, inspiré des Indes Galantes de Jean-Philippe Rameau, déjà annoncé sur les réseaux sociaux. Ce joyeux bordel qu’est « La Vida Es Una Paella » sonne comme la photographie d’un entre-deux dans la carrière de Darle, avant le début de projets dont le leitmotiv sera avant tout l’exploration de la musique selon ses humeurs. En bref, avec une totale liberté.