On surveille depuis quelques temps le travail de HAJJ. Récemment mis en lumière par In Paradisium et BFDM, il a signé la cassette de mix trap Souffrance FM sur le premier, et l’EP ambient Dédicace à Personne sur le second. Comme DJ et comme producteur, HAJJ jongle aisément entre ambient et trap, construisant des ponts entre deux rives finalement pas si opposées. Ces influences croisées se retrouvent aussi sur son propre label Dawn Records, où sont sortis des albums de vOPhoniQ et Renart.

Field recording en terres inconquises

Pour le projet Hitchhiker porté par le label Carpaccio Cathedrale, HAJJ est monté dans un van avec Destroyed Temple, direction la diagonale du vide. Guidé par une imagerie mystique, le field recording peuple tout l’album. Les premiers rayons du soleil illustrent Death To Eternity et, dans un aveuglément progressif, l’intensité grandissante de la nappe de synthé surplombe un cri de percussion étouffé. Le voyage continue ensuite son cours avec le plus club Untitled, pour une marche de soldat déterminée sur un GR caillouteux.

Destroyed Temple cerne ensuite nos terreurs nocturnes dans No Dreams For Insomniac. La première partie semble idyllique, les toms appuyés à différentes intensités sur tous les temps expriment une certaine nonchalance, un état stagnant et peu actif. Peu à peu, le rythme s’accélère, avec des drums plus rapides et un assemblage de samples qui habille la nappe de synthé principale. Le message initial, « follow me forever », devient saccadé, brouillé comme un écho à une insomnie brumeuse.

Le road trip des deux artistes s’accompagne aussi d’une recherche historique et d’une quête du passé corrézien. En puisant dans la culture populaire de la région, ils tombent sur un conte étrange, « La Dame Blanche de Treignac ». HAJJ et Destroyed Temple décident de le retranscrire lors d’une veillée nocturne dans le Limousin, où la lecture du conte est accompagnée d’une impro musicale devant le Rocher du Diable. Le tout donne un live mystique de vingt minutes, qui signe la fin de l’EP d’un tournant médiévalo-futuriste.

Trap sous influence

Dans un autre registre, HAJJ a récemment sorti une compile incontournable sur son label Dawn Records. From Dawn Till Dusk est un condensé de morceaux dont l’influence principale reste la trap, mais qui vient grappiller à de nombreuses chapelles. On peut y trouver des influences hyperpop dans les prods de Divpro, Tryphème et Eliodt, un côté plutôt ambient chez Bianca Scout, des effluves de drill pour Mother Luck, Mortimer Dubaton, Pithe et Qoso, et du cloud rap chez Lastrack et Dodo & J377.

En ce qui concerne le patron du label, son morceau Défonce Civil avec Jonquera reste sur une base trap, version réalité augmentée. Le titre semble refléter une ambiance de jungle urbaine : un son de gong et des cloches en métal sorties d’un temple bouddhiste s’additionnent à des samples de respiration humaine, des basses puissantes et une mélodie trap bien ficelée. Un combo parfait pour une scène de course-poursuite dans les rues de Bangkok. Du reste, si l’omniprésence de la trap dans la musique électronique n’était déjà plus à démontrer, HAJJ lui redonne ici les lettres d’honneur, loin du mépris de chapelle qu’elle subit trop souvent.