Même si l’idée aurait été possible en ces temps sombres, non, Europa n’est pas un retour du groupe Europe pour une version apocalyptique de The Final Countdown. Mais le patchwork bordélique que livre l’artiste allemand derrière ce nom générique interroge tout autant. Sur l’EP Heart of Brass produit par les tchèques de BCAA, Moritz Haas – de son nom à la ville – refuse de choisir ce qu’on appellerait communément une « direction artistique ».

Cet EP long de sept titres part tous azimuths vers les (très) différentes tendances de la musique club. Son premier titre Baby Bliss commence comme un mauvais remix d’une chanson pop du début des années 2000. Il part ensuite en remix bass infusé de montées proches de l’EDM, même si le tout est un peu trop noir et lorgne un peu trop vers la hard dance pour qu’on puisse l’associer à une échappée malheureuse vers Tomorrowland. On continue quand même de s’interroger avec Pow Pow, titre inspiré techno et bass avec une dose de grime en prime. Les gimmicks sont volontairement cheaps, mais la superposition de couches improbables rend le tout bien trop travaillé pour être pris au premier degré. 

La pièce maitresse de l’EP arrive avec Lo Siento, tube reggaeton installé sur une prod house, qui semble par moments deep et d’autres carrément breaké. C’est là qu’on se rend compte que l’EP est un puzzle de styles dont il faudrait retrouver les composantes éparpillées dans chaque morceau. Exemple dans Vorne Links, où on entend des morceaux du chant reggaeton de Lo Siento remixé à la sauce eurodance, voire gabber. Sur Peyote Belly Dance, un chant très à la Bjork introduit un titre techno ambient avant de lâcher des drums typiques du reggaeton, speedées pour l’occasion. Pour terminer sur une touche lo-fi, le dernier titre Wolf and Lamp Mushroom Night s’écoule comme une comptine glauque dont les trois notes accompagnent littéralement le chant des cigales.

Peut-être trop schizophrène pour se comprendre à la première lecture, Heart Of Brass endosse un rôle potentiellement défricheur. Et si la diversité qu’on trouve en ce moment dans les mixs NTS et consorts pouvait se traduire en productions, sans que le chroniqueur habitué aux prods lissées n’y trouve un « manque de cohérence », mais plutôt une vision positive de la fragmentation de nos attentions et de nos goûts ?