Casa Voyager est un des labels les plus prometteurs de la scène marocaine. Son fondateur, Driss Bennis aka OCB, a pris le temps de construire le projet pendant ses quatre années d’expat à Berlin, où il jouait régulièrement et produisait en studio. En rentrant à Casablanca, il se lance avec des amis : Youssek aka Kosh, producteur emblématique du coin, et Jonas Bengio, aka Viewtiful Joe. Le nom du label leur vient de la station de train Casa Voyageurs, la plus importante de de Casablanca.
Ce label est essentiel pour la scène marocaine, il est un des seuls à y être implanté localement et proposer de la musique électronique underground, rayonnant à l’international. Driss souhaite que le label soit un tremplin pour les artistes marocains, tout en encourageant la venue d’autres artistes internationaux qui font aussi parti de ses goûts et ses influences. Car la texture de Casa Voyager, c’est avant tout l’influence de Détroit, et notamment de Juan Atkins. Donner du groove, de l’émotion, de l’intensité dans la techno, et plus largement la musique électronique, c’est le leitmotiv du label. Et les deux volumes de leur dernière sortie Data Press valent le détour.
Data XPress Volume 1
Le premier volume Little Computer People est plus orienté techno, avec un vrai penchant pour la période Kraftwerk-Détroit. La compilation est assez dark dans l’ensemble, et à part l’introduction chaleureuse, presque évangélique de Global Warning, on n’y voit que du noir. Un assemblage de percussions légères en guise de kick, une mélodie de synthétiseur brumeuse, des breaks rapides et incontrôlés qui imitent le scratching, quelques notes de synthétiseur spatiaux, et parfois une voix qui impulse le beat : c’est la formule magique de OCB & Detroit’s Filthiest pour One More Time mais aussi celle de Hassan Abou Alam dans N+B. On retrouve aussi des morceaux plus breakés, comme la b.o.ma.b à retardement de Gabriel, ou Victorious Orianna par Viewtiful Joe. Tout en restant cohérents entre eux, les morceaux se distinguent les uns des autres, et on peut y retrouver l’identité marquée de chaque artiste.
Data XPress Volume 2
Living in the Digital World, la deuxième compilation, offre une amplitude plus large avec certains tracks au BPM élevé et d’autres qui caressent la house lo-fi. Quand Jantes ne nous livre pas de la hard dance bien musclée dans Tsip & Leith, c’est Kosh qui nous hypnotise en plein twist avec Randomization. La funk électronique est dans les turbines, et que ça chauffe.
Les influences de Détroit, on les sent bien dans les morceaux Intercity Bahn de Clafrica – aussi un petit clin d’oeil à l’Autobahn de Kraftwerk, – et Magnetic Forces de Brian Mars, dont les voix robotisées rappellent aisément Model 500.
Après l’écoute de ces seize morceaux, on peut avoir une idée assez complète de ce qu’est Casa Voyager : une maison qui prend ses fondations à deux endroits, dans le soul-sol de la Motor City et dans la gare de Casablanca. Une maison qui voyage et qui ne cesse d’alterner entre pointes de grande vitesse, où l’on s’enferme dans une dynamique de performance pure, et le ralentissement à l’approche d’un arrêt, où l’on peut contempler plus facilement le paysage, et se mettre à rêver.
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