Pour la génération multi-écrans, la polyvalence est l’adjectif que l’on retrouve sur n’importe quelle offre d’emploi. Il faut toucher et s’intéresser à tout. Pour les artistes, cela se traduit par briser les frontières de genres, oublier les étiquettes, remixer aussi bien 13Block que Deena Abdelwahed. Le producteur français prodige du clavier Basile3 s’inscrit dans cette mouvance depuis cinq ans. Son premier album sous ce pseudonyme – vous le connaissez peut être sous le nom de Prince Jean – sorti sur le label américain Astro Nautico révèle son penchant pour la musique synthétique. On peut deviner son cheminent de la musique jazz à la musique club à travers sa discographie, avec un EP marquant le tournant : Harmony of Tension.

Basile3 explore les facettes les plus abstraites et asymétriques de la musique électronique et leur donne une nouvelle dimension. Tel un architecte du son, il associe des rythmes et des structures décalées, et les accorde en harmonie. Son EP No Extra Territory sorti sur Paradoxe Club au début de l’été 2020 donne un aperçu de ses constructions incorporelles.

À défaut d’offrir des concerts, L’année 2020 a été très productive pour l’industrie phonographique. Suivant cette tendance, Basile3 sort un deuxième EP cette année sur un label français indépendant mais de premier plan, Infiné. Telle une dissertation musicale bien menée, Basile3 a aussi sorti un mix d’introduction pour Ciel Rouge. Un mash-up un peu fou qui escalade puis fait dévaler les BPM comme une montagne russe.

Le son artificiel pour parler du naturel

Cet EP prend un nouveau tournant, avec pour la première fois des collaborations avec d’autres artistes sur la moitié des morceaux. Le premier est avec Simili Gum au chant, pour un morceau néo pop, quelque part entre SOPHIE et Xzavier Stone. Le rappeur élevé à l’école lyonnaise du 667 a sorti un album, Pacifyer en 2020, où les nappes cloud de la trap se confondent avec la mélancolie du quotidien chantées par ses torsions vocales. Plus proche de la pop abstraite avec son absence de structuration, Simili Gum colle parfaitement à l’univers de Basile3. Tous deux abonnés à la numérisation globalisée et au cassage de codes, ils décrivent dans Ciel Rouge la force de la nature qui dirige nos émotions. Comme un tableau impressionniste traduit en pixel et mégabits, les deux artistes arrivent à capturer la force d’un coucher de soleil, en suggérant seulement une couleur.

Exposition picturale

Cet EP agit comme un simulateur d’observatoire du ciel. On prend le temps de le regarder, d’observer ses formes et ses mouvements imprévisibles. Le temps du rêve est une rivière étoilée plongée par intermittence dans l’obscurité, par les nuages poussés par le vent. C’est une lutte de formes contraires, qui se solde par l’apparition d’un rayon lumineux. Dans une suite logique, Rayon étoffe cette vision avec une house joyeuse, presque innocente, aux rythmes rebondis. On observe là un monochrome de jaune et un titre presque désintéressé, qui transcende par sa simplicité.

Pas de suite logique pour Basile3, qui clôt son EP avec un poème conté en espagnol par Vica Pacheco. L’artiste mexicaine basée à Bruxelles a sorti l’album-concept Symplegmata cette année sur le label KRAAK. Elle revendique une musique liée aux arts visuels, projetant des images et des tableaux à chaque composition. En cela elle rejoint les paysages de Basile3 pour Ciel Rouge, et apporte une touche surréaliste à ce portrait qui s’étend de la pop au field recording.

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