Nouvelle année, nouveau site, nouvelle prog : la saison des annonces de programmations est bien arrivée et les Nuits Sonores ne sont pas en reste quand il s’agit de teaser. Le festival fête cette année ses quinze ans avec un format qui continue de se scinder en deux, entre des journées à la Sucrière et des nuits dans une warehouse à Gerland, le tout nouveau site nocturne du festival.

La programmation des journées est laissée aux artistes invités pour une Carte Blanche, cette année Jon Hopkins, The Black Madonna et Nina Kraviz. La nuit resplendit quant à elle avec son culot de combiner au sein d’une même soirée un groupe de musique turque avec Mustafa Ozkent, l’orchestre de chambre de Harvey Sutherland & Bermuda et la techno brute d’Helena Hauff. La programmation ne se cantonne plus à des beats industriels étroits, son éclectisme orientant les fans de musique électronique vers plus d’ouverture. Le synthétiseur a montré qu’il avait sa place sur toutes les scènes du monde, temps est venu d’en démontrer les possibilités.

L’affiche met aussi en avant quelques talents du pays comme Bambounou, Ashinoa, The Pilotwings, Agar Agar ou Umwelt, même si l’attraction internationale la pousse à rogner leur part du gâteau. Le format live s’invite lui tous les soirs et sur plusieurs scènes, et l’on se réjouit d’avance de revoir Fatima Yamaha, Andy Stott ou Soichi Terada, et de découvrir les univers expérimentaux de Marie Davidson, Aurora Halal et Moscoman.

Extension du domaine de la lutte

Le premier élément qui frappe aux yeux en regardant ce line-up est la question du style : autrefois bien ancré dans un carcan house x techno avec une petite scène indie, les Nuits Sonores ont depuis quelques années amorcé un grand virage d’extension de leur programme.

D’abord au sein même du genre électronique – vers des territoires outre-Occident souvent exploités mais peu explorés – puis vers le rock, le hip-hop, la world… Bref, toutes ces frontières encore inconnues pour le clubbeur ne jurant que par la gamme de 120 à 140 BPM admise en techno. On observe d’ailleurs souvent cet énergumène un peu perdu, errant à l’aveugle pour retrouver son chemin alors qu’il s’est accidentellement aventuré du côté de la Halle 3. Grand bien lui fasse.

De notre côté, on ne peut que souhaiter au festival de continuer à faire les choses en finesse et avec goût, afin d’éviter de nous voir programmé un Die Antwood ou un Skrillex dans les années à venir (que ceux qui ont ri à l’impossibilité de cette éventualité tâchent de s’en souvenir le jour où cela arrivera).

Ce que le jour doit à la nuit

Parlons de Jours, justement. Instaurée depuis 2014, cette formule d’artistes chaperonnant une prog permet de donner à chaque journée sa couleur, et accessoirement de segmenter les publics et les choix, entre dominantes house/disco, techno et expé. Conformément à cette stratégie, les cartes blanches de cette année ont donc été distribuées à The Black Madonna, Nina Kraviz et John Hopkins.

On remarque que là où les nuits incarnent le all-in du brassage des genres dont on vous parlait au dessus, les Days continuent de faire de l’oeil aux inconditionnels et autres initiés d’un style bien spécifique. On sait donc facilement où on peut s’attendre à retrouver qui : les rejetons de Trip pour Kraviz (PTU, Bjarki), la boule à facettes façon Chicago pour The Black Madonna (Derrick Carter, Honey Dijon), et le côté noir de la force chez Hopkins (Actress, Ben Frost, Anthony Naples). Ne reste plus qu’à choisir votre camp sonore.

Le Deuxième Sexe

Comme annoncé assez maladroitement dans cette vidéo (mais c’est l’intention qui compte), les questions de genres et de parité sont des problématiques importantes au sein de la musique, du live, et de l’électronique en particulier.

Si mettre deux filles à la tête de trois des cartes blanches est donc une démarche de diversification, tâchons quand même de nuancer l’écran de fumée par le fait que les productrices et DJs féminines représentent en tout moins d’une vingtaine de noms sur 150 (et on a compté les groupes). Oui, arriver à l’équité est loin d’être chose aisée et si les Nuits semblent déjà y travailler plus que d’autres, ne vous attendez pas à nous voir distribuer les bons points en deça de 15%.

Nous travaillons actuellement pour l’Europe, voire pour le monde.

Pour finir ce décorticage, n’oublions pas le terreau global que les Nuits Sonores sèment doucement mais sûrement, et ce bien ailleurs qu’à Lyon : les alliances inter-festivalières We Are Europe, les problématiques d’ordre politico-culturo-médiatiques sur l’European Lab, une agence de booking internationale… Tous ces fils qui tissent la toile d’un réseau global semblent bien destinés à continuer de s’étendre, à commencer par des éditions et excursions dispatchées un peu partout, dont la plus connue à Tanger et la plus récente en Corée du Sud. Vers l’infini et au delà semble être la visée de l’entreprise Nuits Sonores, qui devrait encore faire une razzia à Lyon cette année.

Retrouvez toute la programmation des Nuits Sonores 2017 sur leur site.

Article écrit par Nina Venard et Lélia Loison