Les rues lyonnaises sont elles aussi teintées d’émotion. Késa, street artiste au passé de vandale leur offre une poésie urbaine originale: à travers un jeu de découpe et de collage de vinyles, l’artiste libère la musique qui s’envole vers le ciel.

Né en 1990 à Nanterre, Késa connaît un vrai passé de graffeur: adolescent baigné de culture hip-hop des années 90, Késa a vandalisé la ville de Grenoble où il est scolarisé en 1995, année où il pose ses premiers tags sur les murs du collège Stendhal avec un ami de classe SINK. Il rencontre les graffeurs STECK (devenu SREK) et R.ONE avec qui il forme le DPC (Da Poisse Crew) qui deviendra en 97 le PK (PsyKopat Crew) regroupant SINK, SREK et KESA. Durant 4 ans, de 1996 à 2000 lui et son crew vagabondent et s’approprient les murs, trains, trams, autoroutes et spots de la métropole Grenobloise, se forgeant une certaine notoriété.

C’est à son arrivée à Lyon en 2000 que Késa découvre et se familiarise avec d’autres techniques: sérigraphie, pochoirs, collages…. Le street art alors en pleine expansion questionne l’artiste tout comme les oeuvres d’Obey, Banksy, Space Invaders, pionniers du mouvement qui le captivent. En quittant la scène du graffiti Grenobloise, Késa entame sa reconversion. Après un voyage au Brésil à São Paulo qui lui aura définitivement ouvert les yeux sur l’univers du street art, il se lance enfin et abandonne ses bombes. Collectionneur passionné de vinyles, l’artiste aura la superbe idée de les détourner pour s’en servir de support. Késa rend un certain hommage à la musique qu’il reconnaît comme réelle source d’inspiration. Ses créations fleurissent dans les rues de Lyon dès fin 2011, mettant en scène des animaux qui échappés d’un vinyle, animent notre urbanité.

Rencontre avec l’artiste, sa poésie et sa technique

kesa

Peux-tu nous expliquer comment cette idée d’utilisation de vinyle comme support t’est venue ?

Je collectionne les vinyles depuis une dizaine d’années. En 2011 je cherchais un moyen de passer du graffiti à quelque chose de plus poétique, de moins connoté « vandale ». J’avais un bac rempli de disques de variété française sans valeur à mes yeux et l’idée d’allier ma passion pour le support vinyle et l’art urbain m’est venue lorsque je me suis demandé de ce que j’allais faire de ces vieux disques que je n’écoutais plus… J’ai cheminé sur cette question pendant plusieurs mois. J’ai d’abord tenté le pochoir sur disque puis à force d’expérimentation et de recherche j’ai découvert que le disque était « travaillable » en le chauffant. Tout est parti de là.

T’es-tu senti inspiré par d’autres artistes quant à ta démarche ?

En ce qui concerne ma technique et l’idée, je ne me suis inspiré de personne en particulier. Par contre pour l’idée de passer du graffiti à cette forme d’expression, des artistes comme Banksy bien sûr ou encore des Lyonnais comme Totipoten, Princesse Dodo, Knar… Mais ils m’ont plus motivé qu’inspiré. Celui qui m’a impressionné le plus c’est Space Invaders, cependant je ne le considère pas vraiment comme un artiste ou un street artiste. Néanmoins je suis d’accord qu’on puisse voir dans « sa démarche », un côté artistique.

Ton passé de graffeur a t-il une influence sur ton travail d’aujourd’hui ?

Dans le fait de m’imposer dans la rue, oui. Le terrain est le même mais la démarche et la technique sont pour moi très différentes. J’ai mûri, aujourd’hui je ne fréquente plus la rue comme j’ai pu la fréquenter plus jeune, mon rapport à celle-ci a évolué. Cette évolution fait qu’aujourd’hui je ne colle pas comme j’ai pu peindre, j’y mets beaucoup plus de réflexion. Pour résumer, mon passé et mon expérience de graffeur m’ont sans doute permis d’être plus « pro » dans l’action, moins spontané mais plus réfléchi.

Tes créations sont poétiques: des oiseaux quittent les murs de la ville pour retrouver leur liberté. Y a t-il une signification particulière ?

Je dirais plutôt que les oiseaux quittent les vinyles pour rejoindre le monde urbain.
La musique s’échappe, l’oiseau pourrait symboliser la douceur contenue dans le disque, la chauve-souris l’obscurité et le rapace l’agressivité. Tous ces volatiles rejoignent le monde urbain ainsi que d’autres oiseaux, des rongeurs, des chats etc… J’aime bien cette idée là.

Penses-tu apporter quelque chose par tes oeuvres aux habitants lyonnais ou aux passants? Quel est en général leur ressenti ?

Les gens réagissent plutôt bien. Dans mon quartier ils ont l’habitude alors quand ils me croisent en train de coller (je colle la plupart du temps en pleine journée), ils me lancent des messages sympas du style « Merci pour ce que vous faites » ou encore « Aah c’est vous Késa !» etc. C’est plaisant.
Je pense que la vision de mes collages procure un sentiment de familiarité pour certains, notamment ceux qui croisent mes collages dans d’autres villes de France ou d’Europe. Sinon en général j’espère apporter un peu de légèreté, de poésie, de finesse, de surprise et des sourires surtout.

As-tu d’autres projets artistiques ? De nouvelles techniques et de nouvelles créations en tête ?

Mon prochain projet c’est de faire un collage en hommage aux membres de l’équipe de Charlie Hebdo morts la semaine dernière. J’espère pouvoir avoir le temps de faire ça d’ici une quinzaine de jours. Sinon rien d’autre.

Ton avis sur le street art de galerie ?

Galerie et street art sont pour moi un paradoxe. Par définition street art veut dire art de RUE en français. A partir du moment où ça passe en galerie ça devient tout simplement de l’art, la galerie n’est pas la rue. Les artistes qui ont toujours exposé en galerie, on ne les appelles pas des « galeries-artistes » ? Si demain ces mêmes gens se mettent à faire du collage dans la rue on dira qu’ils sont des street artiste, non ?

Un street artiste en galerie est un « artiste » tout court !!

Que penses-tu de l’avenir du street art ? Est-il difficile d’en vivre ?

Très honnêtement j’en pense pas grand-chose, je m’intéresse plus au moment présent, je n’ai même pas encore pensé à ce que je vais faire demain soir après le taff, alors l’avenir du street art …

Merci Késa d’avoir pris le temps de répondre à nos questions.

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