Qui d’entre nous ne rêve pas, au beau milieu de l’été, de se laisser aller à un peu de mélancolie noire pour lutter contre la naïve et bonne humeur ambiante ?

Prophet est le projet de Florence Villeminot (Hold Your Horses) et Philippe Monthaye (Chicros). Ceux-ci citent Philip Glass, Moondog, Laurie Anderson, Robert Wyatt, les Kinks, les Boo Radleys ou My Bloody Valentine comme influences. « Phantom Pain » est le premier EP du groupe. Le « membre fantôme », c’est celui qui a été amputé mais dont on ressent toujours la présence. Ici, c’est une métaphore de la séparation — l’être aimé n’est plus là, mais on le ressent toujours. Voici pour le dossier de presse, passons maintenant au ressenti de cet EP.

La face A, appelée « Remorse », commence par « the Prophet’s song ». Le morceau pose les bas(s)es, lourdes de sens pour ce qui va suivre, appuyées par un tambour binaire. Après quelques accords qui pourraient être l’introduction d’un morceau de reggae, les claviers se font duveteux et sinueux. La lune, « The Moon » se lève à la même heure que le désespoir : « desperate times need desperate places to go ». On le sait, la pop est là pour aider à toucher le fond quand rien ne va plus. Les harmonies simples et pures des deux voix se fondent dans les nappes et on se délecte de ces sons analogiques adorés, comme des enfants : « all the kids worship the moon ».

 

Déjà, on ressent quelques frissons, non objectifs pour qui a été bercé par les douces voix chicrosienne. Suit le diptyque central du disque, « What We Are »/ « What I Am », qui donne envie de courir saoul dans un rue à la poursuite de son destin. Sur la seconde, un rythme de la guitare vient surprendre au milieu d’un disque presque entièrement électronique. Florence Villeminot scande ensuite un texte cyniquement contemporain, et on se reconnaît dans cette banale histoire d’une soirée mondaine alcoolisée. La première face du disque semble étrangement cohérente, aidé par le fait que chaque chanson commence et termine par la même note. Manipulation du cerveau. Sage idée.

On retourne le vinyle, et la face B, consacrée au « regret », commence par une reprise sépulcrale d’Henry Purcell, compositeur baroque anglais. « What Power Are Thou » pourrait être la bande-son d’un film d’Ed Wood Jr., illustrant la lente sortie d’un revenant de son tombeau, sous les yeux d’une innocente demoiselle en chemise de nuit blanche. À côté, un doux jeune homme tente de la convaincre de ne pas rejoindre le côté obscur de la force. Ils chantent ensemble dans les montagnes, sur la chanson « The Mountains », justement. C’est le final grandiose de l’EP, plein de galopées de claviers. On atteint le fond de la tristesse, on regarde le paysage du haut de la montagne, le jour s’est levé et il fait beau. Un jour de plus sur terre.

Le disque est disponible chez Sand Music.