Minuit, l’heure du crime. Un rendez-vous secret nous est donné à St-Jean, Lyon : la release de My Thud Unite Area. C’est sous une pluie torrentielle que nous nous hâtons, mon binôme et moi-même, de rejoindre le mystérieux Adrien, qui va vraisemblablement nous servir de guide. Une petite quarantaine de personnes s’amasse déjà sur le parvis de la gare quand le signal de départ est lancé. Nul ne sait vraiment où il nous emmène, on murmure qu’il s’agirait d’un tunnel abandonné, mais rien n’est sûr. Quoiqu’il en soit, il faut rester silencieux, les flics font des rondes et l’endroit où nous nous rendons est interdit au public.

On grimpe donc les interminables marches qui mènent à Fourvière, en faisant des pauses régulières pour ne pas attirer l’attention. Peut-être aussi pour nous permettre de récupérer un peu notre souffle et reposer nos jambes légèrement éreintées par l’effort qui nous est demandé. Arrive enfin une sorte de trappe en bois, vite, on s’y glisse les uns après les autres pour disparaître sans se faire voir. Nos yeux s’accommodent petit à petit à la pénombre : on distingue un trou sans fond, plein de tags, de ferraille et de caillasse dans lequel des courants d’air sec mais froid, s’engouffrent sans ménagement. On s’arme alors de notre lampe de poche pour entamer la descente : on y voit déjà plus clair. Brrrr, l’endroit est lugubre, je tressaille et je ne suis visiblement pas la seule. “C’est un ancien passage du funiculaire, me dit-on plus tard, on y transportait des cadavres je crois. Du coup, selon la croyance, pour éviter de se faire parasiter, en remontant mieux vaut passer sous le drapeau noir.” Charmant.

Quelques glissades et une demi-chute après, nous nous arrêtons, sans avoir atteint le bout du tunnel. Et qu’est-ce qu’on trouve là-bas au fond ? “Même moi je n’y suis pas allée” me répond une habituée du lieu. Voilà qui nous donnera une idée approximative de la profondeur du coin. Même si notre curiosité est insatisfaite, nous ne sommes pas mécontents de nous arrêter là, sur ce petit terrain sablonneux. La descente est éreintante, et ce qui a été dévalé devra obligatoirement être remonté. La flemme. Et puis, plus on s’approche du fond, plus l’endroit devient étouffant, glauque, chargé.

On s’installe donc, fesses sur rochers, quand des mélodies sombres se font entendre des profondeurs. My Thud Unite Area est une dizaine de mètres plus bas, il nous appelle avec quelques notes étranges, si lointaines et si graves qu’elles en deviennent presque spectrales. Heureusement pour nous, le style lugubro-spatial est bien dosé, toute tentative de désespoir est entrecoupé de petits bruits d’oiseaux. Avec ses bruitages métalliques, ses respirations, ses montées, ses descentes, le mécanisme de My Thud Unite Area est rôdé pour fasciner sans accabler. Vous avez dit expérimental ? Oui, un peu. Mais sans le too-much qui caractérise parfois ce genre. Nul besoin de stimulis visuels, ou figure emblématique, planqué dans le noir absolu, il arrive à nous plonger dans un état semi-comateux.. On capte parfois un visage qui s’éclaire, une ombre qui s’anime… mais le plus souvent tout se passe les yeux fermés.

Malgré nos séants endoloris, l’heure de live passe vite. Le final est plutôt violent, on a tout de même une pente escarpée à remonter mais on repart avec l’impression d’avoir vécu un truc vraiment surréel. Dehors, la pluie cinglante vient frapper nos visages et nous réveille pour de bon, il va falloir rentrer et vite, pour ne pas finir trempé.

En attendant, la version digitale de My Thud Unite Area qui sortira en avril prochain, on se refait son live au Sucre.

Merci à Planespotting pour l’invitation.