C’est un nom que l’on commence à connaître, et il représente désormais quelque chose de singulier dans la scène électronique française. Le toulousain, expatrié à Paris, avait signé avec Hadès un album apocalyptique et expressif qui finissait d’établir sa transition entre une electronica bien sous tout rapport et une noise-techno à la frontière du métal. La mélancolie est toujours là, sous une forme harmoniquement moins pop, plus dépouillée, en progressivité de reliefs rythmiques plutôt qu’en progressivité mélodique.

Mondkopf continue de surprendre à chaque étape de son parcours, en faisant toujours les choix qui l’inscrivent dans un cadre plus large, plus long. Comme s’il allait fatalement finir par avoir une place intemporelle dans l’histoire électronique française. La semaine dernière, il a offert “The Last Tales”, un EP de six titres avec lequel il souhaite mettre en retrait son projet phare au profit de side-projects tout aussi excitant. C’est donc ici la bonne occasion de faire un tour d’ensemble de ses différentes activités.

Un mot tout d’abord sur cet EP, qui se place dans la continuité de son travail avec Hadès. Les six tracks sont issues de sa tournée live et garde la même énergie et la même ambiance. La pâte du live s’entend par une structure d’ensemble plus cohérente, le tout raconte une histoire et s’apprécie comme une petite nouvelle technoïde. Déjà présent sur Hadès, cet amour du storytelling ne bénéficiait pas encore de la même maturité sur la progressivité des reliefs – issue de l’importance qu’ont prises ses influences métal. Il y a au final dans ce projet une mentalité électronique servie par une écriture post-rock, là où la plupart des projets dans ce domaine prennent plutôt le chemin inverse.

C’est d’ailleurs dans cette optique que Mondkopf aborde Autrenoir, projet qui découle directement de sa précédente tournée. Sur scène, Paul Régimbeau n’était pas seul mais accompagné de Grégory Buffier, un talentueux guitariste qui compose notamment la moitié du groupe Saåad. Ce live de Hadès était en réalité très différent de ce que l’on pouvait retrouver sur la galette rouge : beaucoup plus progressif, toujours dans cette envie de s’aventurer plus loin dans le story-telling. Autrenoir n’est autre qu’une formalisation de cette formation dans un projet qui s’assume comme une folie à deux.

 

Ce qui pourrait être émotionnellement trop expressif pour énormément de personnes doit en réalité s’entrevoir d’une manière beaucoup plus légère. Autrenoir se focalise sur le live ou sur les collaborations cinématographiques avec le collectif As Human Pattern. La musique n’est pas une finalité en soi mais s’aborde selon un processus dérivé : derrière l’expression cinématographique, l’épopée sonore se déguise en soundtrack. Et derrière le live et les hurlements glaçants de Paul sur scène, la musique est un lien cathartique fondamentalement physique entre l’artiste et son auditoire.

Avec Extreme Precautions, son autre side-project, c’est une violence beaucoup plus énergique et moins atmosphérique qui s’empare de votre zone d’écoute. Affilié au grindcore, on y retrouve là aussi ses influences métal, dans quelque chose qui pourrait se rapprocher très facilement à ce que fait outre-manche son ami Perc – pour lequel il avait signé quelques tracks sur son label.

Le portrait de Mondkopf ne pourrait pas être complet si l’on ne parlait pas de ce qui est peut-être sa plus grande contribution à la scène française, à savoir son label In Paradisum. Incubateur à projets et à talents – Low Jack, Qoso, Insiden, Somaticae pour les plus connus – l’institution brille sur la nuit parisienne et la fait briller à l’étranger. Cousin éloigné de L.I.E.S Records ou Berceuse Héroique, sans toutefois la sulfure ou la politique éditoriale frénétique dont on vous parlait récemment, In Paradisum partage ce même goût trop rare pour l’ambient et l’ambiance mystique des galettes que l’on écoute sur chaîne hifi ou au milieu des montagnes.

Parmi les récentes sorties qui ont fait du bruit et que l’on a particulièrement aimé, l’album visionnaire de Low Jack “Sewing Machine” – dont on vous recommande l’excellent live sur l’émission Séquences – ou les productions inqualifiables de Roger West qui sortira bientôt son premier album. On vous invite en tout cas à suivre les histoires de cette famille bourgeonnante, qui n’a pas fini de marquer au fer rouge sa présence singulière.