C’est avec grand plaisir que l’on découvre le nouvel Ep d’Eliott Litrowski, trainant çà et là entre deux tracks sur notre fil d’actu soundcloud. Quatre monstrueux morceaux qui attestent d’un subtil accomplissement pour le jeune Dj et producteur parisien.

C’est bien depuis son adolescence qu’Eliott Litrowski diggue et manipule les vinyles. 10 ans de recherche, de travail et de passion lui auront permis de surfer sur différents genres musicaux : scratch et drum and bass à ses débuts, il s’inscrit bien sûr aujourd’hui dans un courant house et techno, teinté d’influences diverses qui rendent ses productions et sets surprenants : on ne sait jamais à quoi s’attendre. Remarqué chez Popcorn et Cracki Records, deux collectifs parisiens -ambianceurs de soirées festives où ça transpire l’amour – Eliott Litrowski est allé poser dans la France entière mais aussi à Berlin et Bruxelles.

Sa dernière sortie CarJacking s’inscrit également dans cette vitalité fraîche et éclectique. Quatre tracks qui nous transportent d’un point A à un point B, variant les émotions et les genres. Des morceaux se tissent entre ambiant, techno, électro, avec des touches d’italo disco ou d’acid non négligeables. Les synthés apportent un côté mélancolique, apocalyptique, les beats parfois plus lents abordent un revers plus mental et sombre contredisant les notes de disco balnéaire qui procurent un son plus fun : ça groove dans de bonnes vibes. Ce parfait mélange au croisement des styles et sentiments, atteste d’un travail complexe résultant de tracks riches et originales que l’on sent agrémentées de maintes inspirations. Les sons filent subtilement les uns après les autres, dans un même univers cohérent.

Eliott Litrowski nous offre le cadeau de l’été : cet opus transporte et vous fera voyager. Ajoutons que l’Ep est également le travail de Vincent Castant pour le délirant clip « Barneville » ainsi que celui d’Antoine Elfurud pour la réalisation de la pochette.

On est allé poser quelques questions au jeune talent parisien qui nous a parlé production, de The hacker, de son pote Voiron et de la Bretagne…

eliott litrowski carJacking EP

Photo Esteban Gonzales

Interview Eliott Litrowski

Yo Eliott ! Peux-tu nous parler, pour commencer, de tes débuts ? Qu’est-ce qui t’a poussé à mixer en soirée, puis par la suite à produire ?

J’ai toujours écouté déjà de la musique électronique, après je suis sorti. A l’époque j’avais 16 ans et j’allais beaucoup au Rex…

16 ans ? Comment tu rentrais au Rex à 16 ans ?

J’avais une fausse carte d’identité ! J’allais au Rex, après beaucoup au Pulp le jeudi soir pour voir Jennifer Cardini, Chloé, Ivan Smagghe… Tous les mecs qui jouaient à la soirée du jeudi. J’ai toujours été très fan de Jennifer Cardini, j’adore sa façon de jouer, de bouger.

Et ça t’a donné envie en fait de les voir jouer ?

Ouais, clairement, j’adorais ça ! En plus c’était des gens, Cardini, Smagghe, Chloé, c’était des vrais djs, ils arrivaient vraiment à faire ressortir des émotions. Enfin voilà, eux, le Pulp et les soirées Open House et Eyes need Sugar aussi, c’était des soirées gays à l’Elysée Montmartre qui a brûlé où il y avait souvent les mecs de Kompakt, Jennifer Cardini.. Donc ouais très bercé par les sons Kompakt aussi. Et après ce qui m’a poussé à produire, c’était beaucoup plus tard quand j’ai rencontré les mecs de Popcorn qui avaient écouté un mix que j’avais fais à Cologne qu’ils avaient bien aimé et qui m’ont dit « ça serait cool que tu nous fasses un disque » et je leur ai dit que je ne produisais pas, ils m’ont répondu « bah ça te dirait pas de commencer ? » Et hop, j’me suis dis, pourquoi pas. J’y avais jamais vraiment pensé en fait. J’ai commencé petit à petit, avec mon ordinateur puis ensuite j’ai acheté des machines. Mon tout premier disque je l’ai fait qu’avec des samples et le deuxième par contre avec mes petites machines… ça a évolué petit à petit quoi. J’aime bien produire maintenant, j’y prends du plaisir.

Quelles sont tes influences dans ton travail d’aujourd’hui, as-tu des références actuelles ?

Aujourd’hui comme j’ai pu te le dire avant, en tant que dj c’est toujours un peu les mêmes. Après quelle claque je me suis pris récemment… ? Le dj Antal de Rush Hour et David Vunk qui sont un peu mes références en ce moment. Après des artistes qui m’influencent en tant que producteur il y’a Miss Kittin et The Hacker, ça a toujours été.

The Hacker ? Ah ouais ?

Ouais ! The Hacker et Miss Kittin à l’époque… Ouais carrément ! Ce que faisait The Hacker, électro clash, c’était vraiment cool ! Et sinon aujourd’hui, il y a Massimiliano Pagliara, l’italien de chez Live At Robert Johnson, lui il est juste hallucinant. Enfin son dernier album est magique quoi, c’est rare quand t’achètes un Lp que t’aies envie de jouer toutes les tracks ! Sinon, j’aime beaucoup ce que fait Skatebård, c’est un norvégien qui fait un peu tout, producteur, qui a toutes les casquettes de techno, italo disco, house… j’aime beaucoup ce qu’il fait. Après il y a tellement de trucs ! Barnt aussi…

Qu’est ce que tu souhaites transmettre à ton public lorsque tu joues en soirée, enfin s’il y a quelques chose que tu souhaites transmettre ?

Oui, oui toujours ! L’idée c’est que les gens s’amusent le plus possible, qu’ils passent un bon moment, qu’ils s’en souviennent et surtout de leur faire écouter de la bonne musique. De les faire danser à mort, de les tordre le plus possible, de les fatiguer et qu’ils rentrent un peu dans le jeu. Alors voilà mes sets c’est un peu le roller coaster : ça passe par tous les trucs, c’est aussi comme ça que j’essaye de capter ce que veulent les gens, s’ils veulent que ça tape, s’ils veulent…

Du coup, tu t’adaptes à ton public, quand tu vois par exemple qu’il n’est pas réceptif, tu peux changer ?

Ouais, clairement. Je viens en général avec beaucoup de disques. Alors après ça dépend avec qui je joue à côté, qui est le guest, si le club est un gros club ou un petit club, si c’est une soirée techno, pas techno… Mais en général je viens avec plein de choses différentes, je commence avec un truc et je vois si ça part. Si ça part, je continue un peu dedans et à partir du moment ou les gens sont dedans, BAM, je change complètement et je regarde ce que ça donne ! Alors parfois bah ils suivent pas et donc je repars sur d’autres trucs et parfois ça suit et c’est drôle !

Tes endroits préférés pour jouer, un endroit, une ville, un club où tu rêves d’aller ?

Alors mes endroits préférés pour jouer… Bah je joue rarement au même endroit, j’ai pas de résidence. Pour jouer, la Concrete c’est sympa, pour jouer en tant que dj c’est hyper confortable et c’est une façon aussi assez unique de mettre le dj dans une salle. C’est assez marrant, quand on se retourne pour checker ses disques, d’avoir des gens derrière, à droite, à gauche, partout autour de toi, c’est amusant. Le son est cool. Après, j’aime bien les petits clubs, j’aime beaucoup même, les endroits où on est 100, 150 ans que les tee shirts suintent…

Et où tu kifferais aller jouer ?

Le Japon, en mode Tokyo ça serait vraiment cool. J’y suis allé pour des vacances, j’ai trop kiffé, j’suis sorti là-bas et j’ai bien aimé. En mode le Air à Tokyo, ça pourrait être cool, mais bon, j’sais pas. J’aime bien jouer en Allemagne, j’ai testé pas mal de trucs là-bas. J’aime bien jouer en Bretagne aussi….

Ah, Astropolis ?

Ouais par exemple Astropolis ça doit être trop bien pour jouer ! Les Bretons c’est des malades ! J’y ai joué samedi dernier, c’était n’importe quoi ! Vraiment j’ai passé une soirée de malade quoi ! Ça doit être un pur festival quoi, un vrai festival techno.

Entre composer seul avec tes machines et jouer seul devant un public, qu’est-ce que tu préfères ?

Hum… C’est deux trucs complètement différents. J’aime beaucoup passer du temps à faire de la musique, ça c’est sûr, mais c’est deux sensations différentes. La musique c’est un peu un petit plaisir solitaire où t’es chez toi, tu bidouilles tes machines jusqu’à pas d’heure avec une bière. Jouer, c’est quand même un truc… C’est par là que j’ai commencé et j’adore ça, ça me colle au corps, je peux pas m’en passer si tu veux. C’est une drogue, j’en ai besoin.

Ah ouais ?

Bah ouais, j’adore ! Si je ne joue pas pendant un certain temps, je flippe un peu quoi ! J’ai vraiment besoin de ça.

J’ai adoré ton dernier Ep CarJacking, sorti chez Cracki Records. Grosse claque ! On sent un réel aboutissement dans ton travail. Depuis combien de temps travailles-tu dessus ? Que voulais-tu transmettre à travers ces productions ? En es-tu satisfait ?

Bah déjà je suis hyper content d’entendre quelqu’un dire que c’est un travail cohérent et abouti, c’est des mots qui me touchent assez par ce que c’était l’idée, c’était vraiment d’arriver à quelque chose de personnel et que les gens retrouvent vraiment ma personnalité en tant que dj et en tant que personne aussi, dans un disque, pour une fois. En mode « ça c’est Eliott », ça lui ressemble. C’était un peu l’idée de ce truc là. Combien de temps j’ai passé à le faire ? Ça a mis trop de temps, comme d’hab, j’suis hyper lent, je l’ai fait sur longueur… ça a dû être entre quatre mois et six mois, un truc comme ça. Parce que je travaille en même temps, il y avait des moments, j’avais pas toujours le temps de bosser sur les morceaux. Je travaille aussi avec des machines maintenant, c’est des choses que je ne contrôle pas forcément hyper bien, c’est aussi les machines qui me contrôlent un petit peu, c’est ça qui est marrant.

Et puis c’est infini ce que tu peux faire, tu peux toujours aller plus loin, ça doit pas être facile de s’arrêter à un moment, de se dire « stop j’y touche plus, c’est bon » ?

C’est hyper difficile ! Pour ça, moi j’ai besoin de gens autour de moi, comme un label. Un label tu leur envoies et à un moment tu leur dis « là je pense que c’est bon » et ils te répondent « ah ouais tu es sûr ? », et là tu sais que non, c’est pas terminé.

Ok, tu t’adresses à des gens parce que tu ne sais pas t’arrêter de toi-même dans tes productions ?

Il y a un moment si, tu te dis « ok c’est bon, celle-là, c’est terminé ». Mais c’est vrai que j’ai besoin parfois d’un peu de recul et du regard d’extérieur de quelqu’un en qui j’ai confiance, comme par exemple mon meilleur ami avec qui j’achète énormément de disques, on a des goûts très similaires. Quand t’as la tête dedans pendant des mois, à un moment un regard extérieur ça fait vraiment du bien. Et un label justement qui sort le disque et qui te dit « ça je sors, vraiment on aime bien, celle-là je la je signe », c’est aussi un signe où tu te dis « bon bah là, peut-être que je vais travailler sur des petits détails mais la track en elle-même, elle est là quoi. » Et ouais, j’en suis satisfait, c’est sûr. C’est le travail le plus abouti que j’ai fait et j’ai plutôt de bons retours par rapport à ça, donc oui plutôt cool !

On voit que tu mixes un peu partout en France et que tu tends à t’exporter à travers l’Europe. Une véritable carrière de Dj en perspective, donc ?

Écoute, je sais pas, je sais pas trop… j’aime jouer, j’ai envie de continuer à jouer, j’ai envie de jouer dans différents clubs, découvrir différentes villes, mixer pour différentes personnes… Maintenant j’ai une balance dans ma vie entre l’architecture et la musique et c’est une balance qui me plaît vraiment mais qui est assez difficile à équilibrer au final quand tu bosses. Tu vois, quand tu as envie de faire de la musique, parfois tu n’as pas le temps. Quand tu dois faire deux dates dans un weekend, t’arrives le lundi, t’es mort et pourtant tu dois être à fond. C’est vrai que c’est un peu compliqué mais je suis jeune donc pour l’instant j’ai envie de tenter le truc. Après si je vois que la musique ça décolle vraiment, je pense que je m’autoriserai à prendre un peu de temps pendant peut-être une année ou deux. Je ne sais pas où ça me mènera, mais peut-être oui, faire que ça. Mais pour l’instant, je ne peux pas faire que de la musique, je dois vivre à côté et j’ai envie de continuer à avoir cette espèce de balance entre mon métier d’architecte et la musique.

Tes prochaines ambitions musicales ? J’imagine que tu vas me répondre que c’est de jouer, d’enchaîner les dates, bouger à droite à gauche. Je me trompe ?

Non, non, carrément ! Jouer, tourner… Que je puisse aussi découvrir d’autres clubs. J’ai joué en Allemagne, en Belgique, au Luxembourg.

Londres ?

Nan par exemple, j’ai jamais joué à Londres, j’aimerais aller jouer en Ecosse, aller même un peu plus dans le Sud là où il fait chaud ! En Italie, au Portugal, à Barcelone. Ouais, continuer à voguer en Europe.

La dernière grosse track qui toi, t’as foutu une grosse claque ? Tu m’as plus ou moins déjà répondu tout à l’heure en me parlant de Massimiliano Pagliara ?

Ouais, Massimiliano Pagliara ! Après y’a les tracks de mon pote Voiron, aujourd’hui il m’a encore envoyé deux tracks. Il m’impressionne de plus en plus.

Voiron, je vois mais je connais pas trop ce qu’il fait…

Va écouter ! Là il a sorti un remix pour un mec, c’est mortel ! Et il m’a envoyé deux tracks qu’il a terminé dans la journée et bah t’as juste envie d’écouter ça tranquillement dans ton lit, c’est vraiment super beau. Il est vraiment trop fort ! C’est une belle référence pour moi aussi si tu veux c’est un de mes seuls potes proches qui fait de la musique et donc je suis pas mal influencé par ce mec là.

Ok Eliott ! Merci beaucoup d’avoir pris le temps de répondre à nos questions ! Bonne continuation, on espère te voir mixer prochainement !

Photo cover Antoine Henault