Rien ne laissait présager du résultat de cette soirée. On aurait pu tout prévoir, repérer les noms connus sur Resident Advisor et acheter ses tickets, on aurait obtenu la certitude d’en avoir pour nos billets. C’est tout l’inverse qui est arrivé. On m’explique que pour obtenir l’adresse de la  soirée vers laquelle on se dirige, il a fallu envoyer un mail aux organisateurs. Un saut à l’aveugle dans une soirée sans connaître sa réputation, son lieu ou ses têtes d’affiches.

C’est donc sans attentes et sans maitrise sur le cours des événements qu’on est arrivé devant la porte de cette soirée sans nom, installée dans un bâtiment d’apparence anodine situé dans une de ses nombreuses rues indifférenciées que peut compter Brooklyn. La seule certitude du soir, celle d’être accompagné d’une joyeuse bande prête à s’amuser. Parfois il ne suffit que de ça. On entre donc, à peine quelques marches entamées et le boum-boum techno que l’on chérit tant vient nous accueillir. La première salle est dans le noir total, si ce n’est quelques néons rouges. Avec ses mannequins couvert de peintures luminescentes, l’ambiance fait train fantôme. Il y a déjà une bonne ambiance parmi les danseurs qu’on sent venus pour se donner, mais on ne restera pas plus longtemps dans cette salle à la chaleur étouffante. Quelques marches de plus, et, enfin nous découvrons le trésor de cette soirée, le rooftop. Un toit comme il en existe beaucoup à Brooklyn, à l’exception que celui-ci dispose d’une cabine DJ installée dans un coin et d’un espace Vjing fait maison, le tout entouré de graffitis. Après un tour des lieux, enchanté d’avoir trouvé une telle pépite, on se promet de ne jamais redescendre et de rester aussi longtemps que le corps acceptera. De fait, la house subtile que délivrent les DJs s’enchainant aux platines nous aident à passer ce moment sans se soucier de l’heure.

Le charme de cet événement, c’est qu’il échappe à la grille de lecture habituelle des soirées électroniques. Les DJs sont des locaux dont on ne connait rien et leurs sets ne cherchent pas le peak time à tout prix, mais plutôt prendre le public par la main et l’emmener le plus loin possible. L’ambiance est à la détente, personne ne se pousse pour danser. De toute façon il n’y a pas vraiment de délimitation entre les différents espaces. Alors hormis ceux qui ont décidé de s’allonger sur les inclinaisons naturelles du toit, ça discute ou ça danse, autour d’une cigarette ou d’une canette. On se sent libres et sans pression du monde extérieur et petit à petit le soleil se lève sur nous. À New-York, les clubs officiels sont régis de fermer à quatre heures du matin, mais ici, sur ce toit, les organisateurs ont prévu de rester jusqu’à midi. Le DJ qui officie aux platines est rejoint par un autre, les deux se mettent à jouer ensemble, il part puis revient pour placer quelques vinyles en plus, la bonne humeur des fêtards reste inchangée. Le soleil commence à taper fort, et la chaleur associée à plusieurs heures de déhanchements commence révéler les limites de nos forces. Pour l’honneur, on retourne danser devant la cabine du DJ, à l’ombre, puis, sur les coups de 9h, on se décide, non pas à abandonner, mais à accepter qu’on a eu notre quota de bonheur.

rooftop party brooklyn

L’aura de mystère et l’impression d’avoir trouvé quelque chose de rare ont joué dans l’expérience vécue, et gardée de manière romancée en souvenir. Tout le mérite revient à l’équipe derrière cette soirée qui a su créer un espace de fête comme on en voit peu souvent. Juste avant notre départ, le DJ se met à jouer “Atmosphrique” de Metro Area, duo maintenant légendaire qui fit ses débuts à Brooklyn. Malgré toutes les difficultés qui viennent se mettre en travers de son chemin, l’underground New-Yorkais résiste encore.