Edito : Après quelques jours de silence où l’on a pas su trouver le coeur ni les mots pour exprimer notre ressenti face aux évènements de vendredi dernier, nous sommes de retour pour écrire et vous faire humblement vivre de nos écrits sur ce qui fait la jeunesse “pervesse” d’aujourd’hui : la musique, l’art, les sorties.. Bref, vivre bien, et le vivre ensemble.

Comme bien d’autres en ont fait état avant et mieux que nous, se laisser aller à la peur ou changer de comportement serait abandonner un terrain de liberté qu’on ne peut s’accorder de perdre, car on le doit plus que jamais à ceux qui sont partis.

En 1994, dans L’Ecriture ou la vie, Jorge Semprun décrivait déjà cet “après”, dans le contexte – évidemment incomparable – de l’après camps de concentration. Il y écrivait une chose primordiale : le devoir d’avancer du survivant, et l’importance de se battre dans un combat des mots, celui qui permettra d’aposer un nom sur la peur et par là de la vaincre.

C’est que ce nous nous continuerons, à notre toute modeste échelle, à tenter d’accomplir ici. On laissera donc les mots de Semprun conclure à notre place, parce qu’aujourd’hui plus que jamais, l’art est ce qui vit quand le reste est tombé.

La rédaction de Beyeah

 

“On peut toujours dire en somme. L’ineffable dont on nous rabattra les oreilles n’est qu’un alibi. Ou signe de paresse. On peut toujours tout dire, le langage contient tout. On peut dire l’amour le plus fou, la plus terrible cruauté. On peut nommer le mal, son goût de pavot, ses bonheurs délétères. On peut dire Dieu et ce n’est pas peu dire. On peut dire la rose et la rosée, l’espace d’un matin. On peut dire la tendresse, l’océan tutélaire de la bonté. On peut dire l’avenir, les poètes s’y aventurent les yeux fermés, la bouche fertile.

On peut tout dire de cette expérience. Il suffit d’y penser. Et de s’y mettre. D’avoir le temps, sans doute, et le courage, d’un récit illimité, probablement interminable, illuminé –clôturé aussi, bien entendu- par cette possibilité de se poursuivre à l’infini. Quitte à tomber dans la répétition et le ressassement. Quitte à ne pas en sortir, à prolonger la mort, le cas échéant, à la faire revivre sans cesse dans les plis et les replis du récit, à n’être plus que le langage de cette mort, à vivre à ses dépens, mortellement.

Il n’y a qu’à se laisser aller. La réalité est là, disponible. La parole aussi.”

 

Illustrateur Jean Jullien – “Peace for Paris”