Un dimanche, à Bushwick, sur Irving Avenue. On s’avance avec le cœur qui bat d’impatience et d’appréhension sur ce qui nous attend. Le soleil est à son zénith, il fait chaud à en faire transpirer le béton gris du quartier. Le quartier, où résidences alternent avec warehouses et garages automobiles, est presque désert et ne donne pas l’impression d’être un lieu capable d’accueillir l’une des fêtes les plus réputées de New York. On arrive au croisement avec Cooper, on tourne, encore quelques garages automobiles avec drapeaux et annonces de soldes extraordinaires, et nous voilà au Nowadays, le lieu de résidence estivale de Mister Sunday.

Il s’agit de la première de la saison, les places sont parties vites et il faut faire la queue en plein soleil. Mais les choses sont biens organisées, personne ne pousse et le service d’ordre est là pour informer tout le monde. Une fois entrés, notre excitation prend un coup : le DJ passe de la folk en attendant la fin de l’installation du soundsystem. Ce contretemps nous permet d’évaluer les lieux. Tables protégées par des parasols, bar, foodtrucks, le tout entourant une zone rectangulaire délimitée par les énormes hauts-parleurs et la cabine des DJs. De tout cela se dégage une atmosphère de kermesse pour middle class, une image renforcée par la population, qui n’hésite pas à venir en famille, poussettes comprises ou avec leurs chiens.

Mister Sunday est la face dominicale et solaire du duo Eamon Harkin et Justin Carter. L’autre face, c’est Mister Saturday Night, celle avec laquelle ils ont commencé leur aventure. Les deux DJs opèrent depuis sept ans, préférant poser leurs platines dans des lieux peu habituels mais avec une idée spéciale en tête, plutôt que de parcourir les innombrables clubs de la ville. Plus que d’être de simple passeurs de disques, les deux comparses se sont donnés une mission, celle de rapprocher les gens entre eux lors de leurs événements, et de créer un moment de bonheur et d’unité pour chaque personne présente.

“Avec l’amour de la bonne musique et le désir de rassembler les gens, nous essayons de créer une expérience réellement fun et qui implique tout le monde – que ce soit les fêtards, les DJs, les barmen ou les vigiles.”

Les soirées Mister Saturday & Sunday impliquent donc des règles, comme celle de ne pas utiliser son téléphone sur le dancefloor, ou d’être “sympa”, tout simplement. Pour les faire respecter, le service de sécurité vient régulièrement rappeler aux fautifs de ranger leurs téléphones et de passer un bon moment. Avec cette volonté en tête, les Misters ont réussi à créer un lien de confiance avec leur public.

Un public en forme ce dimanche là. Car progressivement l’espace se remplit, les familles disparaissent de ma vue au profit de groupes qui viennent pour danser et non pour chiller. Tous les styles sont présents, et on note un penchant à la rigolade et aux déguisements loufoques. Mention spéciale aux couples portant des pieds à la tête les couleurs du drapeau américain. Les dernières enceintes sont installées, les DJs peuvent donc se lancer réellement dans leur travail. Le duo entretient une palette sonore large dans leurs sets autant qu’avec leur label, passant de la soul, du disco, relayant sur un morceau house puis un autre plus techno, revenant enfin sur un morceau funk, le tout avec une habileté sans pareille. Il est difficile de comprendre comment, parmi tous ces morceaux joués, les deux DJs arrivent à garder une unité sonore, mais force est de constater qu’à aucun moment les transitions ne semblent forcées.

Le seul dénominateur commun semble être l’énergie positive que dégage leur musique et qui se communique chez les danseurs. Encore une fois, le mot danseur n’est pas usurpé, et il s’agit d’un vrai spectacle que de voir les gens se défouler en ce dimanche. Il suffit d’observer à droite ou à gauche pour voir, hommes ou femmes, quelqu’un exécuter des pas chorégraphiés avec intensité. Parfois, des cercles se forment naturellement et l’on aperçoit alors un affrontement temporaire entre danseurs confirmés. C’est dans cette ambiance chaleureuse et bon enfant que ce dimanche se poursuivra, jusqu’au dernier morceau joué par Eamon et Justin. Leurs platines tournant dans le vide, ils prennent le micro pour rappeler à l’ordre les nouveaux arrivants qui n’ont pas encore incorporé la règle du « no phone on the floor ». À la fin de ce dimanche vibrant, le dernier son qui retentit sur le dancefloor sera celui des applaudissements du public.