J’ai découvert Dax J en écumant le répertoire de Deeply Rooted, le label fondé par DJ Deep. En septembre 2013, le natif de Londres expatrié à Berlin y sortait « D1 », un EP puissant et sans concession, révélateur d’une techno sombre, bourrée de percussions incisives et de textures légèrement angoissantes. Le morceau « Something In The Woods » est à cet égard un bijou d’inattendu : d’entrée la messe est dite, l’artillerie est sortie, le métal est chauffé à blanc puis forgé pour te trancher la carotide.

Dax J, ou Dax Heddon dans le civil, n’est pourtant pas tombé dans le bain techno d’un seul coup. C’est d’abord par la drum’n’bass et la jungle, cartonnant à l’époque de l’autre côté de la Manche, que le gars commence sa carrière, jouant le DJ sur des radios pirates et fréquentant la scène UK locale. Après avoir fini ses études en technologie de la musique, l’anglais décide de passer deux mois à Ibiza pour découvrir ce qui s’y passe, lui qui en a tant entendu parler.

Charmé par son voyage, il rentre à Londres et, désabusé par l’évolution de la scène Bass, il se met petit à petit à la techno. Dax passe alors de longues nuits à bidouiller ses machines avec Chris Stanford, l’un de ses potes. Après plusieurs sessions, ils parviennent à terminer un morceau et décident de le tester à l’occasion d’une soirée organisée par Chris lui-même. Les réactions sont bonnes et la création d’un label s’ensuit : EarToGround Records est né, comme un prolongement des soirées du même nom. Nous sommes en 2011, et Dax J s’ancre définitivement dans la galaxie techno.

Il lance même un autre label en 2013, Monnom Black, y signant principalement ses productions mais aussi celles d’artistes qui lui ressemblent. À l’image de Kaelan et de son EP « Basement » représentatif d’une techno épurée tendance dub, ou de Binny qui, sur l’EP « Mispress », déroule une techno fournie en mélodies synthétiques explosives. Mais c’est surtout le premier album de Dax J qui vaut le détour : un long format dénommé « Shades Of Black », la septième sortie de son label au succès grandissant.

Invité pour passer des disques à la Drøm de 9h à 16h, l’anglais nous avait alors présenté, par bribes, quelques missiles tout droit sortis de son album, laissant les courageux présents en ce début de journée dans un état de transe quasi-animale. Rentré à 11h, je ne saurais témoigner de l’évolution du set de Dax J, mais aux dires de certains de mes amis, la chose fut sportive – et son album promettait alors de représenter une certaine idée de la techno : radicale, énervée, angoissante et, parfois, aérienne (mais jamais trop longtemps).

Back to the 90’s! Proper warehouse rave last Sunday in Paris. Ended up playing a 7-hr closing set, special thanks to the Unity & Attractive Corp team and to all the dancers who kept me going!

Posted by Dax J on Tuesday, October 27, 2015

 

L’album est à l’image d’un set de Dax J. Tout commence par une très courte introduction, sans kick : « Orlok’s Symphony », un titre progressant entre fréquences basses omniprésentes et mélodies intrigantes s’installant doucement. Puis, Dax J oblige, la fête peut commencer : la plupart des morceaux de l’album sont des odes à la brutalité, des exemples de sauvagerie, des dignes représentants d’une techno 100% inspirée par les déambulations d’un zombie de rave party.

Ici, pas de place à la délicatesse, chaque kick t’attrape par le col pour te remettre sur les rails, chaque détail est sombre, angoissant, oppressant. Alors, bien sûr, tout ne se ressemble pas, mais il y a des constantes, comme les textures grésillantes qui constituent le fond sonore de l’album, ou encore les notes de synthé répétitives qui viennent rappeler à l’auditeur que Dax J n’est pas venu pour te border dans ton lit.

Certains titres diffusent pourtant une atmosphère plus détendue, même si leur ancrage techno, c’est à dire leur beat répétitif assez puissant pour bouger la tête en rythme, reste omniprésent. Ainsi « In The Shadows » qui révèle bien le premier amour de Dax Heddon pour la bass music, alterne breakbeat et nappes aériennes. Ou encore « Sempa », un morceau de deep techno bien rodé. L’acid, la référence première pour tout amateur de rave party, se fait également une belle place, avec « Requiem Souls » ou « Black Pegasus ».

Et un morceau qui marque en particulier : « Devine Right ». Une synthèse de l’album tout entier, et si l’on devait n’en garder qu’un morceau, ce serait cette merveille. Un début classique, kick sale et charleston affirmé, puis une pause, inattendue, laissant place à une longue mélodie aérienne qui s’enchaîne sur un beat breaké. Avant d’exploser en acid techno ravagée, qu’un kick gras et autoritaire vient servir avec brio. Une pépite tout en synthèse des genres.

Dax J vient confirmer tout son talent avec ce premier long format. L’anglais résident à Berlin signe avec « Shades Of Black » un bouillon riche en sonorités radicales, une techno de combat parsemée d’influences diverses, un disque riche, certes calibré pour animer un gigantesque hangar, mais qui surprend néanmoins les oreilles avisées.
Keep going on, Dax !

Victor Taranne