On a tous déjà eu cette idée folle en tête : monter une boîte, créer une application, fonder un label de musique. Mais ceux qui se sont vraiment jetés à l’eau se comptent souvent sur les doigts d’une main.

Et si c’était moi le nouveau pure player de la scène électronique française ? C’est peut-être ce qu’Antonin avait en tête il y a trois ans lorsqu’il a fondé Boussole Records. D’abord attirés par l’évènementiel, lui et son crew toulousain migrent doucement vers le management d’artistes :

“L’idée était d’organiser des soirées avec nos potes, on était un petit groupe, tous fraichement acteurs sur cette scène électronique. Après quelques mois, on a commencé à produire les artistes du collectif, à structurer ce que l’on faisait et gonfler nos rangs”.

Boussole fait partie de ces labels à l’âme fraternelle, unis telle une famille. Les artistes qui en franchissent la porte se retrouvent le week-end pour connecter leur PCs et se fendre la poire entre deux kicks bien trouvés.

Notre premier objectif était de ne pas se prendre la tête et s’amuser.” confirme Antonin. “Aujourd’hui, Boussole Records c’est douze projets artistiques que l’on produit et accompagne, et une poignée de personnes qui s’investissent pour les faire vivre au quotidien : entre autres Paul qui va reprendre la partie label, et Romain qui est notre graphiste depuis le début.

Bon qu’on ne se leurre pas, pendant que d’autres commandaient un mètre de shooter au Saint des Seins, eux bossaient sur la prochaine sortie des copains, à base de création de pochettes d’album, affiches de soirée et évènements Facebook. À l’occasion de leur 3ème anniversaire, on a donc posé quelques questions à Antonin pour en savoir plus sur la genèse de ce label modeste et atypique :

Est-ce que le fait d’avoir créé le label Boussole a selon toi eu un impact sur la scène toulousaine et sa dynamique artistique ?

On n’a pas cette prétention-là, on y a sans doute participé mais c’est plus global que ça. On est vachement touchés parce qu’on voit qu’il y a de l’engouement autour du projet, et le public devient de plus en plus fidèle, autant lors des soirées que sur nos releases. C’est super important pour nous mais ça participe surtout à une dynamique collective qui fait du bien à la ville. Il y a de très beaux projets à Toulouse, je pense notamment aux potes de Folklore, des Siestes Electroniques, de La Petite et plus récemment du Collectif Sympa. Ils ont tous en commun de ne pas se satisfaire de ce qui existe déjà et de remuer un peu le public à travers ce qu’ils proposent, c’est un moteur essentiel pour une ville comme Toulouse qui regorge d’étudiants.

Quelle stratégie as-tu adopté pour faire connaître Boussole Records ?

On est un petit groupe à être actif sur le label, chacun participe de près ou de loin au développement du projet. On a commencé par vraiment s’implanter et légitimer notre place ici à Toulouse, c’était important pour nous de ressentir ce soutien localement. Notre double casquette de collectif et label a, je pense, été une force pour nous car on accompagne les artistes dans leur développement en plus de les produire. Cela permet de leur construire un environnement de travail relativement sein et durable.

Notre premier outil est bien entendu le net, la majeure partie des releases étant exclusivement disponibles en digital, mise à part notre compilation annuelle que l’on presse en CD. Toutes nos sorties sont en téléchargement gratuit. On a fait ce choix-là pour plusieurs raisons, notamment car on ne voulait pas limiter l’accès, ni créer un frein à l’écoute. Et puis les événements que l’on a organisés et où nos artistes se sont produits nous ont permis d’être visibles rapidement et de s’exporter ailleurs qu’à Toulouse.

Comment expliques-tu le succès de François Ier, programmé aux TransMusicales de Rennes et sur une date au Trianon. Quels ont été ses facteurs de réussite ?

Le projet de François Ier a rapidement décollé, il y a quelque chose d’assez évident dans sa musique, on se laisse bercer sur ses nappes hypnotiques. François fait partie des fondateurs du collectif, on est donc présents depuis le début à ses côtés et je pense que c’est un confort pour lui d’avoir cet environnement familier pour évoluer. Pour répondre à ta question, je pense que c’est une connexion de plusieurs éléments qui a fait que le projet a retenu l’attention et plait autant. Il a sorti trois EPs qui lui ont permis de signer auprès d’un tourneur, Bleu Citron, qui lui permet des opportunités comme celles des TransMusicales, du Trianon ou du Montreux Jazz Festival. De très belles choses sont à venir pour lui cette année, notamment la sortie d’un nouvel EP un peu avant l’été.

Quelle est la sortie dont tu es le plus fier, et pourquoi ?

Probablement le projet de compilation que l’on a chaque année. On sort ça vers Juin, avec une dizaine d’artistes dessus, issus du collectif ou des potes dont on aime le travail. C’est un joli projet qui mobilise un peu tout le monde et qui permet de revendiquer l’éclectisme que l’on prône au sein du label. On distribue le CD gratuitement en le mettant à disposition dans des shops ou bien à Gilbert Joseph à Toulouse. On travaille sur notre troisième compilation en ce moment, on a hâte de vous faire écouter ça.


Cette date d’anniversaire au Bikini à Toulouse, c’est un moment clé, un nouveau tournant ?

C’est fou de pouvoir organiser notre propre soirée dans cette salle mythique, et avec des artistes du collectif seulement. C’est la deuxième fois que Le Bikini nous ouvre ses portes pour une Boussole Party, on est super heureux et fiers de pouvoir fêter nos trois ans là-bas, le sound system est parfait, le lieu peut accueillir jusqu’à 1500 personnes et toute l’équipe de la salle est géniale… Que demander de plus ?

Compilations et EPs en free download, la musique de Boussole Records se consomme exclusivement gratuitement. Comment pérenniser ce business ?

C’est une question que l’on s’est posé dès que l’on a fait ce choix. Les événements que l’on organise nous permettent d’être relativement sereins financièrement, notamment du fait que l’on n’est pas salariés du label. Avec l’évolution du projet, on a tous dû se spécialiser un peu plus et structurer nos activités pour que ce soit lisible en interne et plus pertinent. Personnellement, j’ai créé une structure de management qui s’appelle Arômes et qui me permet de mieux segmenter chaque activité que je développe au sein du label, justement pour les pérenniser.

La gratuité de la musique est-ce un danger pour la durabilité d’un label ?

Je ne pense pas. C’est même plutôt le contraire, à condition que la gratuité soit pensée comme un levier pour les autres activités. C’est important de privilégier l’accès selon moi, les modes de consommation de la musique ont changé avec le numérique, on ne peut pas considérer le développement d’un label sans se préoccuper de la façon dont les gens consomment la musique. Avec Boussole Records, on a vraiment essayé de faire du gratuit une force, à la fois pour fidéliser notre public en leur offrant les releases mais aussi pour qu’il y ait des ponts entre les différentes activités que l’on mène, du label aux événements. L’erreur serait de tomber dans le tout gratuit, là c’est effectivement une impasse.

Pedro Winter confie qu’il apprécie le jeune label parisien ClekClekboom. Comment attirer l’attention des plus grands ?

On est aussi très sensibles au sein du label à toutes les sorties de ClekClekBoom, on avait d’ailleurs invité Manaré et Coni sur l’une de nos soirées il y a deux ans. On n’essaye pas spécialement d’attirer l’attention des grands noms de la scène électronique, ce que l’on veut surtout c’est produire une musique que l’on aime, en ayant un projet cohérent dans sa globalité. Et tant mieux si ça arrive jusqu’à leurs oreilles, ça voudra dire que l’on a bien travaillé.

Des nouvelles sorties ou projets dont tu voudrais nous parler ?

Comme je te disais, on avance en ce moment sur notre troisième compilation, puis on continuera les releases sur le label avec un EP de Mangabey qui va sortir mi-février – un doux mélange de house et de jazz. On va également continuer de sortir nos séries ‘Unreleased Cuts’, des petits EPs regroupant plusieurs artistes, que l’on a inauguré en décembre avec KHALK, Mangabey et Kendal. Et continuer les Boussole Party à Toulouse, Paris et ailleurs, c’est à chaque fois un grand plaisir et de belles fêtes.


Retrouvez l’event des trois ans de Boussole Records au Bikini à Toulouse le 30 janvier, un anniversaire à ne pas manquer. Le label sera également au Batofar à Paris ce week-end, pour une date avec Joy, FaCil et Antonin lui-même (Cathy). Tentez de gagner 2×2 places en participant par ici à notre jeu-concours.

Credits Photo: Louis Derigon / Boussole Party @Bikini, Juillet 2015