Djoon. Ce nom vous dit surement quelque chose ? En effet, ce club est devenu mythique notamment pour ses légendaires artistes house de Detroit, Chicago ou encore New York mais aussi pour être le lieu préféré des danseurs adeptes de la musique Soulful. Nous sommes allés à la rencontre de Afshin Assadian, gérant du club, qui nous raconte l’histoire de ce club unique.

Peux tu nous parler du Djoon ?

J’étais promoteur de soirée pendant près de 20 ans mais aussi directeur artistique de plusieurs établissements. J’étais un directeur artistique plutôt peu ordinaire. Pour moi, il n’y avait pas besoin de code vestimentaire pour rentrer en club, j’avais une vision du clubbing bien à moi et je me suis dit « Maintenant, il me faut mon propre club ».

J’attendais l’endroit parfait, où tu ne déranges pas tes voisins, mais à Paris, c’est pas évident à trouver. J’ai d’abord trouvé un petit restaurant bar dans le quartier des Abbesses, un ancien restaurant chinois qu’on a entièrement refait. Le Doudingue, qui a eu beaucoup de succès, était un lieu vraiment sympa. Ensuite je me suis demandé « pourquoi pas plus grand ? », c’est là que j’ai trouvé LE lieu. C’était un local vide style loft dans un quartier désert. Situé en face des chemins de fer et des bureaux ! Je suis complètement tombé amoureux. Les 6 premiers mois, c’était juste un restaurant, puis on a discuté avec Greg (Gauthier) du lancement d’un nouveau concept de soirées : « Dance Culture ». Une rencontre entre de la bonne musique ‘Soulful’ et des danseurs. La ‘Soulful’ c’est quoi ? C’est une expression qui englobe tout ce qui a de la Soul, que ce soit afro, disco ou house évidemment. Après tout, “Djoon” en persan, c’est l’âme.

Comment ce club est devenu un lieu mythique de la scène soul and house?

Nous avons toujours reçu des artistes un peu à contre courant de la “hype” du moment : on a booké les artistes qu’on aimait avant tout, ceux qui nous faisaient vibrer, notamment ceux de Chicago, Detroit, New York ou bien d’Afrique du Sud, que ce soit Osunlade, Les Martinez Brothers, Theo Parrish, Levon Vincent, Dixon, Joe Claussel, Black Coffee ou encore Louie Vega… Je me souviens de la première fois ou les Martinez Brothers sont venus jouer au Djoon : ils avaient 14 et 18 ans, accompagnés de leurs parents, et avaient déjà une culture musicale impressionnante grâce à leur père accro aux vinyles et habitué du Paradise Garage. Le Djoon, c’est un lieu par des passionnés pour des passionnés, tout simplement.

L’ambiance du Djoon est réputée pour ses danseurs, peux-tu nous en parler ?

La soirée Dance Culture puis les soirées Atmosphère, ont participé à l’essor des soirées consacrées aux danseurs. Au début il n’y avait pas plus de 20 personnes, puis petit à petit de plus en plus jusqu’à atteindre 300 personnes. Voir le Djoon avec cette énergie qu’apportent les danseurs, c’est toujours impressionnant. Je pense qu’on a permis à beaucoup d’entre eux de s’exprimer. Beaucoup ont cartonné par la suite, et le succès de Juste Debout le confirme.

On a eu certes une vraie pression économique car les danseurs, ça ne boit que de l’eau (rires) mais aussi et surtout une volonté de faire une soirée différente, sur le thème de la danse, toutes les semaines. Juste pour le plaisir des yeux. C’est une ambiance unique oui, une ambiance familiale. Pour ces danseurs et les music lovers, le Djoon c’est comme à la maison.

Depuis peu de temps on remarque un réel changement dans la scène house Parisienne, qu’en penses-tu ?

Je suis bluffé ! Il y a 8 ans, nous n’étions plus très nombreux à écouter ce genre de musique, c’était une sorte de petite secte (rires). Je faisais venir des artistes de folie et il n’y avait même pas 200 personnes ! Maintenant c’est tout autre chose. Il y a une nouvelle énergie à Paris et c’est plutôt rafraichissant. Je me retrouve avec des gens de 20 ans qui me parlent d’artistes peu connus des 90’s et ils en savent plus que moi, c’est génial. J’aime ce petit côté connaisseur qu’ont les jeunes d’aujourd’hui. Je dis merci à Berlin ! C’est aussi grâce à cette ville que la house a explosé en Europe. Il y a aussi la Concrete évidemment qui a apporté sa pierre à l’édifice. On a fait une collab’ lors du premier Weather Festival pour les 10 ans du Djoon. On a créé des liens avec des artistes soulful, et maintenant de nombreux promoteurs s’intéressent à des artistes qu’on ne voyait que chez nous, comme Joe (Claussel), Louie (Vega), Black Coffee…C’est toujours un plaisir de les voir tourner, et si un public plus jeune peut les découvrir et les écouter, c’est parfait.

On remarque que la programmation du Djoon est en train d’évoluer, souhaites-tu élargir ton public ?

Je suis entouré d’une jeune équipe, ça joue forcément sur la prog. Nous faisons aussi appel à des collectifs qui partagent notre curiosité musicale, notamment Mawimbi, DansonsParis, Imported, Into The Deep… Ils apportent une certaine énergie, mais on reste aussi fidèles à nos racines et à nos soirées emblématiques comme Motown, My Grooves, So Miles, Ancestral ou Atmosphere et Dance Culture qui reviennent bientôt.

Toi aussi tu mixes ?

Oui ! A force de baigner dans la culture musicale du djoon, qu’elle soit soul, afro, disco ou house, j’ai eu envie d’injecter ça dans une soirée que j’ai appelé My Grooves et qui exprime l’idée d’un retour au groove, sans limite de genre ou de style.

Ça m’a aussi permis d’inviter des artistes qui présentent leur vision originale du groove dans ce qu’il a de plus éclectique, sans forcément se limiter à ce qui les a fait connaître : Osunlade a accepté de venir en guest secret sur une My Grooves pour y jouer un set disco/funk, par exemple. J’y joue un peu de tout, et je profite de cette opportunité pour tester sur le dancefloor les réedits que je produis avec mon ami Alex Finkin. J’ai aussi produit avec lui quelques tracks house sur Tribe Records et The Djoon Experience, bien sûr.

Une fois aux platines, je joue plus la carte de la sélection que des effets pyrotechniques, et j’essaie de casser un peu cette idée reçue qu’on s’amuse plus sur des tracks que l’on connaît, j’aime surprendre les gens, et ils ont l’air d’apprécier !

J’ai eu la chance de jouer au festival Can You Dance To My Beat en Grèce cet été, avec de grands artistes et de bons amis comme Joe (Claussel), Louie (Vega), Timmy (Regisford), Boddhi Satva, Zepherin Saint, Jose Marquez…C’était une super expérience. En Octobre, je suis invité au Brésil pour une date à Rio de Janeiro et une à Sao Paulo, j’ai hâte de jouer là bas !

Des futurs projets ?

Nous ouvrons le Trac, un lieu pas loin d’ici (ndlr : du Djoon), consacré live avec une scène ouverte à la new yorkaise et un super sound system. Coffee shop le matin, déjeuner le midi, des tapas à la française le soir et brunch le dimanche. On vous préprare une programmation très éclectique, mais toujours chargée de soul (électro, jazz, hip-hop, pop, funk, stand up…). On vient d’ouvrir lundi, mais la programmation arrivera un peu plus tard.

On lance également un nouvel afterwork hip-hop, soul, funk et deep house le jeudi avec Zio John et DJ Jim de Jazzeffiq, avec une première édition ce jeudi, le 18.

Nous allons également remettre sur le devant de la scène le label The Djoon Experience, qui représente la diversité du Djoon, avec beaucoup d’artistes de NY à Detroit en passant par Johannesburg et Paris, bien sûr. On organise aussi pas mal de soirées sous le même nom à l’étranger : on est passés par Rotterdam, Rome, la Sicile, bientôt Naples et pour la 3ème fois cette année, on pose nos valises à Amsterdam pour l’ADE, on fait ça dans la chapelle d’une ancienne église, avec plus de 8 djs au line up, ça promet d’être une belle soirée.

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La rédaction vous recommande vivement ce lieu.
N’hésitez pas à vous rendre directement sur le site du club pour les informations pratiques :
www.djoon.com