Le souvenir de la première rencontre avec la musique de Jessie Ware est encore vif  dans les esprits mélomanes : les charmes de la sémillante “Running” étaient nombreux, mais il aura fallu le talent de remixeur des Disclosure pour donner vie au morceau phare du début de sa carrière. Promptement adoubée par la presse spécialisée, le talent de Jessie Ware devint quelque peu difficile à ignorer après la première écoute de “110%” , instantané de pop séductrice et tentatrice. “Carving my initials on your forehead / you keep me wishing in the dark” susurrait-elle au rythme des beats de Julio Bashmore.

Devotion avait suivi, rendant alors toute résistance absolument inutile, déroulant le répertoire résolument soul et pop d’une artiste à la voix vertigineuse. Et si souvent l’étendue de son potentiel tient énormément à ses performances vocales, il faut admettre qu’il réside aussi dans l’intelligence du choix de ses collaborateurs. Chacun des producteurs dont elle s’entoure, a su créer un écrin de prestige pour sa voix de velours – Disclosure sur “Confess To Me” et le remix de “Running”, SBTRKT sur “Sanctuary”, “Right Thing To Do” ou dernièrement sur “Problem” ainsi que Julio Bashmore sur le club-banger “110%”.

Sur Tough Love, c’est son aplomb qui brille de mille feux, cette voix plus puissante que jamais, nourrit chacune des tracks de ce second album. On peut facilement reprocher à Ware de ne se pencher que sur le cas des relations amoureuses, car soyons francs il n’est ici question que de ça: les affres de la rupture, l’épanouissement que peut procurer une relation ou encore les conséquences d’une trahison sont autant de thèmes traités au cours de ces 11 pistes (15 pour les fans les plus assidus). Sans céder au sirupeux ou au romantisme de bas étage, Jessie Ware parvient à traiter tous ces thèmes avec une justesse et une sincérité difficile à retrouver chez ses pairs.

Non seulement la continuité avec Devotion est assumée, mais elle est largement dépassée. Si son premier album lui permettait de faire ses premières armes, ce second album lui donne l’occasion d’enfoncer le clou. Comme sur l’imparable “Tough Love”, où le chant intense et expressif de l’anglaise se mêle parfaitement à la production synthétique de BenZel. Les amateurs de pop seront comblés à l’écoute de “Champagne Kisses”, “Want Your Feeling” sur lequel elle explore la néo disco en compagnie de Devonte Hynes (qui oeuvre finement et efficacement avec une ligne de basse hyper aguicheuse) ou encore “Keep On Lying” (la voix y est claire, expressive et lumineuse).

Tout au long de l’album, on note le grand soin accordé à la production électronique,  aérée et légère, plaçant ainsi la voix de Ware au premier plan. Les boucles de synthé ne nous distraient pas de la beauté manifeste de “Cruel”, autre sommet de l’album. A l’exception du morceau produit par Ed Sheeran (qui a justement le défaut de tomber dans la facilité et le larmoyant), toutes les pistes forment un tout cohérent et offrent à voir une autre facette de l’anglaise. A l’issue de l’écoute de Tough Love, le refrain de “Want Your Feeling” prend tout son sens “the light is still shining in the room, you [she] left me [us] here”. En cette fin d’année, Jessie Ware s’impose donc aisément comme l’une des valeurs sûres de la scène pop mondiale, avec un opus d’une beauté crépusculaire et captivante.

En guise de mise en bouche, écoutez donc un morceau inédit produit par Robin Hannibal, moitié de Rhye (responsables d’un des plus beaux albums de 2013) :

Tracklist: Jessie Ware – Tough Love

01 Tough Love
02 You & I (Forever)
03 Cruel
04 Say You Love Me
05 Sweetest Song
06 Kind of…Sometimes…Maybe
07 Want Your Feeling
08 Pieces
09 Keep on Lying
10 Champagne Kisses
11 Desire

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crédit photo : Arved Colvin-Smith